Un bâtiment fait de parallélépipèdes brun-rouille qui semble posé sur une butte d'herbe

Le musée Soulages à Rodez

En allant voir le musée consacré à l’œuvre de Pierre Soulages, peintre que j’admire depuis une vingtaine d’années, je ne m’attendais pas à avoir également un coup de cœur pour le bâtiment lui-même. Je vous en parle vite-fait.

J’ai enfin vu le musée Soulages de Rodez ! Plus de dix ans qu’il existe, plus de dix ans que je voulais le voir ! Bon, soyons clairs, c’est l’œuvre de Pierre Soulages qui motivait mon envie à la base, mais je dois vous dire aussi que j’ai été enchantée par l’architecture et la scénographie du musée en lui-même !

Déjà, quand j’étais allé voir la rétrospective « Soulages », au Centre Pompidou, en 2009-2010, j’étais ravie de savoir que l’artiste lui-même avait participé à l’accrochage et que donc la déambulation et surtout l’éclairage était adaptés et conformes à chaque œuvre.

Et bien là, c’est un peu ça, mais puissance dix. Non seulement Pierre Soulages a activement participé à la scénographie, mais là, c’est l’écrin lui-même qui a été construit autour et pour l’œuvre de l’artiste.
Bon, une nuance tout de même car ce n’est pas tout à fait vrai : le projet architectural a aussi été conçu pour s’intégrer parfaitement dans la ville de Rodez, faire le lien entre l’ancienne et la nouvelle ville, mettre en valeur le jardin du Foirail, garder l’esprit. (Et l’enjeu devait être d’autant plus grand que les habitants étaient d’abord hostiles à l’idée d’une troisième musée dans la ville !)

Dans un parc arboré où deux personnes discutent sur un banc, des blocs d'un bâtiment cuivré donnent l'impression d'un bâtiment quasi plat d'un niveau seulement
© RCR – musée Soulages Rodez – photothèque Rodez agglomération photo Jean-Louis Bories

De ce point de vue, il me semble que cela est considéré comme une réussite. L’implantation du musée exploite la partie pentue et laisse au jardin la grande partie plate et plus agréable pour cheminer. Il intègre également des passages qui permettent une vue dégagée et qui peuvent faire référence aux « fenestrà », ces vues sur la campagne environnante propres à la ville de Rodez).

Mais tout a aussi été pensé par rapport à l’œuvre du peintre. Le revêtement, dans un acier spécial qui se patine de brun au fil des années, répond au brou de noix que Soulages a beaucoup utilisé et à l’intérêt de l’artiste pour les matière brutes, naturelles et simples.

Un bâtiment fait de parallélépipèdes brun-rouille qui semble posé sur une butte d'herbe
Le musée vue de l’arrière
Photo : Calips (CC by-SA)

L’intérieur et le parcours ont été pensé avec le peintre qui a proposé (imposé ?) un accrochage thématique.

Selon le souhait de l’artiste, la muséographie fait la part belle au processus de création et à la sérendipité chère à Soulages. Quand les eaux-fortes (technique de gravure) sont présentées, par exemple, ça n’est pas seulement l’estampe résultante qui est mise en valeur, mais étalement la matrice (soit dit en passant : absolument magnifique) et comment l’artiste s’est laissé surprendre par la matière, la chimie et a dépassé le cadre « normale » de la technique.

Selon les besoins, les salles alternent entre pièces aveugles, lumière naturelle et lumière artificielle. Bien sûr, les Outrenoirs sont éclairés latéralement, et ils le sont à la lumière naturelle ET artificielle : le taux de luminosité est toujours le même car les lumières intérieures s’adaptent à la luminosité qui vient de l’extérieur.

Une très grande toile recouverte de traits épais noirs striés de largeurs différentes et de sens différents maintenue par des fils au milieu d'une pièce. On aperçoit des fenêtres et des lumières qui viennent mettre en valeur les reflets sur la toile
Peinture 324x362cm, 1986, par Pierre Soulages

Pour le sol, je me rappelle y avoir prêté attention dans une des salles et m’être dit que, là aussi, ça avait été choisi par rapport à l’art de Soulages. Pas tant parce qu’il était noir, mais aussi pour son aspect pierre, brut, « vivant » (au sens où les tâches n’étaient certainement pas maîtrisées) et avec une apparence simplicité. Vous voulez de la précision technique ? C’est de l’acier calaminé ; voilà.

Une salle d'exposition aux murs et au sol noir donne accès à une salle aux murs blancs. On voit que les panneaux de murs noirs ne sont pas tout à fait unis mais qu'il y a des traces comme des réactions du matériaux.
© RCR – photothèque Rodez agglomération photo Jean-Louis Bories

On a l’impression, certainement vraie, qu’absolument tout est pensé en fonction de l’œuvre de l’artiste : du sol au plafond, bien sûr, mais, même à la boutique, le papier kraft pour emballer les achats est noir 😀

Un homme brun, habillé de noir avec un sac noir et des chaussures noires (gris foncé ?) regarde un tableau entièrement noir (même si les reflets de la lumière donnent beaucoup de blanc) accroché sur un mur noir et avec un sol... noir
Je me suis amusée de cet inconnu tout vêtu de noir regardant un tableau noir dans un environnement noir 😀
(Cher inconnu, si tu me lis : bonjour et merci 🖤)

NB : Le musée n’est pas qu’un musée consacré exclusivement à Pierre Soulages. Il accueille aussi dans un espace de 500 m² des expositions temporaires venant relayer le souhait pédagogique de l’artiste qui déclarait :

« Je me suis toujours méfié des musées d’artistes où tout le monde se précipite pendant trois ans, puis qui sombrent dans l’oubli »

Alors voilà, vous l’aurez deviné, j’ai beaucoup aimé ma visite ! Avec le musée Guggenheim de New York dont je vous ai déjà parlé, je me rends compte que je prends décidément beaucoup de plaisir à visiter un musée, tout autant qu’une exposition. Si vous aimez Soulages, allez-y ! Si vous ne connaissez pas bien mais vous sentez sensible, allez-y ! Si c’est une expo temporaire qui vous tente et vous donnera l’occasion de découvrir le reste au passage, allez-y ! Si vous n’aimez pas du tout Soulages, l’art abstrait, l’art contemporain, euh… 😀 (Cela dit, vous pouvez aller voir les musées Fenaille et Denis Puech qui vous donnerons accès gratuitement au musée Soulages)

Envie de creuser le sujet ?

Un document pédagogique est proposé sur le site du musée : Le musée Soulages, un écrin pour des œuvres singulières (PDF, 1,4 Mo)


Quatre parallélépipèdes noirs en perspective

Musée Soulages
Jardin du Foirail
Avenue Victor Hugo
12000 Rodez

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